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Albert Likuvalu

lundi 11 juillet 2011

Contribution du groupe socialiste, radical et citoyen au rapport de la mission d’information parlementaire relative au droit de la nationalité

Il y a assez de discriminations dans notre pays pour que la République n’en crée de nouvelles. Alors que toute catégorisation et hiérarchisation des Français, notamment selon leur mode d’acquisition de la nationalité française, doivent être combattues, c’est pourtant une légalisation de celles-ci qui est proposée à la représentation nationale. Au droit inégal à la binationalité, le rapport ajoute des devoirs différents quant à l’obligation de manifester sa volonté d’appartenir à la nation française.

Fatalisme, peur, repli sur soi, division des Français, remise en cause du droit du sol et de la binationalité afin de limiter le nombre de Français, les fondements et les objectifs de ce rapport ne peuvent susciter aucune adhésion. Ce dernier s’inscrit dans un contexte marqué par les débats sur l’identité nationale et sur la déchéance de nationalité. La France de 2011 proposée ici est repliée sur elle-même et craintive. L’Etat y est faible et la nation étriquée.

Au contraire, c’est une France sûre d’elle-même et fière de ses citoyens qu’il faut construire et promouvoir. C’est une France ouverte sur l’extérieur, communiquant avec ses ambassadeurs que sont les centaines de milliers de Français, binationaux ou non, résidant à l’étranger. C’est une France, qui permet, surtout, à chacun de ses citoyens de se sentir Français.

Une toute autre vision est défendue dans le présent rapport. Sur la défensive, ce dernier fait fi des préconisations des personnalités auditionnées par la mission, et notamment de la position de Pierre Mazeaud opposé à toute conception restrictive du droit de la nationalité. Ce rapport cherche avant tout à imaginer de nouvelles barrières qui protégeraient la France contre une menace identifiée mais jamais expliquée. Il y est établi une hiérarchisation complexe entre individus, graduant les droits et devoirs de chacun en fonction de critères pour le moins contestables.

Les jeunes Français (par droit du sang ou double droit du sol) seront simplement invités à participer à une « manifestation commune de volonté d’appartenir à la nation française » (proposition n°5). Tous auront eu leur(s) nationalité(s) déclaré(es) à leur naissance du fait d’une modification de l’article 35 du code civil (proposition n°18).

La deuxième catégorie regroupe, selon le rapport, les jeunes nés en France et y résidant, de parents étrangers nés à l'étranger. Alors que ces enfants sont aujourd’hui de facto français à leur majorité, ils seront désormais obligés de manifester leur volonté d'acquérir la nationalité française. A défaut, ils deviendront étrangers dans leur propre pays. En outre, ils ne pourront plus obtenir la nationalité française par anticipation à 13 ans (proposition n°6).

La troisième catégorie concerne les jeunes nés en France, résidant en France, mais ayant des parents étrangers nés à l’étranger, en situation irrégulière. Ceux-ci ne pourront plus acquérir la nationalité française à leur majorité ou de manière anticipée du fait de la situation illégale de leurs parents (proposition n°4).

Quatrième et dernière catégorie : les personnes devenant françaises par mariage ou par décision de l’autorité publique au terme d’une procédure de naturalisation. Celles-ci devront à la fois répondre à l'obligation de manifester leur volonté d’appartenir à la nation française (proposition n°7) mais aussi renoncer à leurs autres nationalités (proposition n°17). C’est donc un système fondé sur une inégalité fondamentale qui est proposé : un Français pourra avoir plusieurs nationalités -ce qui permet, dans un contexte de campagne électorale, de rassurer les centaines de milliers d’électeurs français de l’étranger et/ou binationaux - mais un étranger souhaitant devenir Français devra, quant à lui, renoncer à sa ou ses nationalités.

Cet enchevêtrement complexe, modulant droits et devoirs selon une hiérarchisation dangereuse des individus, ne peut être que condamné. Ce n’est pas en catégorisant et en divisant que la France affirmera sa capacité « à fabriquer des Français ». Quel intérêt a la République à maintenir étrangers sur son territoire des individus qui n’aspirent qu’à rejoindre la communauté nationale ? En quoi celle-ci serait mieux protégée-et d’ailleurs de quoi ?- en limitant le nombre de Français ? Un Etat fort est celui qui choisit ses nationaux et non, comme le propose le présent rapport, celui qui renvoie la nationalité à une option individuelle.

Les conclusions de ce rapport sont d’autant plus condamnables qu’elles reposent sur des raisonnements tronqués ou erronés.

Ainsi, la situation en Guyane et Mayotte-d’ailleurs non étayée par des données chiffrées fiables-sert de prétexte à un durcissement du droit du sol sur l’ensemble du territoire. Il est vrai que malgré la forte tentation du rapporteur de créer un régime dérogatoire concernant le droit de la nationalité dans ces départements français, l’inconstitutionnalité prévisible d’une telle mesure a servi de garde-fou. La conséquence en est une remise en cause générale du droit du sol des enfants nés et résidant en France en ajoutant la condition de régularité du séjour de leurs parents.

En outre, à aucun moment, la bi ou plurinationalité n’est considérée comme une chance, participant à l’enrichissement de la France et à son rayonnement à l’étranger.Pourquoi intégrer une communauté nationale nécessiterait de renoncer à ses origines ? L’individu n’est pas un monolithe ne tolérant qu’une seule attache. L’obsession du choix unique ne traduit qu’une fermeture d’esprit et une peur du différent. Dans tous les domaines, s’attacher à l’unité ne peut consister à nier la diversité.

Un argument nauséabond doit d’ailleurs être rejeté sans appel, celui selon lequel des binationaux engagés dans l’armée française pourraient être une menace pour nos propres troupes. Le degré d’ « allégeance » des Français s’évaluerait ainsi selon leur religion ou culture présupposées, celles-ci les conduisant à se sentir plus ou moins proches d’un ennemi. Ce type d’affirmation est d’autant plus intolérable que par leur engagement au risque de leur vie, ces personnes ont, plus que d’autres, démontré leur attachement à la France.

A cet égard, il serait juste de permettre l’acquisition de la nationalité française à tous les anciens combattants étrangers qui le souhaitent ayant servi dans l’armée française. Le fait d’avoir été blessé au cours de son service, nécessaire actuellement pour déclencher une naturalisation, ne devrait plus être une condition essentielle.

Faire en sorte que la nation se rappelle à ses citoyens aurait pu être un élément de consensus, à l’instar des propositions du groupe SRC par voie d’amendements sur un texte récent. Dépassant le simple caractère solennel et symbolique d’une cérémonie, il était proposé que chaque Français, quel que soit son mode d’acquisition de la nationalité française, reçoive les textes fondateurs que sont la Constitution Française et son Préambule ainsi que la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen de 1789. La journée « défense et citoyenneté », les cérémonies de mariage ou d’acquisition de la nationalité française, auraient pu constituer ces occasions où la nation se manifeste aux siens.

Le lien national n’est pas une banale vue de l’esprit, c’est une construction de tous les jours. Néanmoins, réaffirmer cette appartenance commune ne peut consister en une simple « manifestation de volonté d’appartenir à la nation française » comme le prévoit le présent rapport, et encore moins si celle-ci est plus ou moins contraignante selon les différentes catégories de Français artificiellement créées. D’une simple cérémonie a priori facultative pour les Français de naissance, celle-ci devient une exigence pour le mineur né en France mais ne bénéficiant que du droit du sol simple (parents étrangers nés à l’étranger). Pour deux enfants nés en France et ayant grandi dans ce pays, en quoi serait-il plus grave de ne pas manifester sa volonté d’appartenir à la nation française pour celui dont les parents sont nés à l’étranger que pour celui dont au moins un des parents est né en France ? Cette catégorisation ne tient pas et sa perversité saute aux yeux. Car c’est le droit du sol qui est une fois de plus attaqué par le refus de reconnaître français, sans condition de manifestation, des enfants qui sont nés en France et qui n’ont connu que ce pays.

D’autres points ou interrogations légitimes ont été soigneusement ignorés par le rapport. Ainsi, qu’en est-il du traitement différencié des demandes de naturalisation sur le territoire du fait de la déconcentration de la procédure ? Quelles perspectives pour les conjoints de Français dont les obstacles pour venir sur le sol français puis, s’ils le souhaitent, bénéficier de la nationalité, ne cessent de s’accroître ? Quels droits politiques ouvrir à des résidents étrangers, notamment au niveau local ?

Enfin, quant à la question essentielle, « se sentir Français », celle-ci est éludée. La réunion d’un Etat et d’une nation n’a rien d’une évidence. Le concept d’Etat-nation mêle, en effet, deux réalités distinctes, une juridique et institutionnelle, l’autre plus floue, renvoyant à un groupe humain conscient de son unité (notamment historique, sociale et culturelle) et possédant la volonté de vivre en commun. Peut-on réellement croire que « manifester sa volonté », en une heure un jour dans sa vie, peut créer la conviction d’appartenir à la nation française ?

A aucun moment n’est questionné le cas des milliers de personnes qui sont françaises juridiquement mais qui n’en n’ont pas le sentiment. D’autres Français souffrent de l’image d’étrangers qu’on leur renvoie. C’est le regard des autres sur soi qui peut faire douter de sa propre identité, de sa nationalité. Les contrôles au faciès, l’abandon de certains quartiers et l’indifférence devant la ghettoïsation ou encore la stigmatisation de populations en difficulté sont autant d’éléments qui minent la cohésion nationale.

Le problème est donc moins celui d’une révision des règles d’accès à la nationalité que celui dusentiment d’appartenance à la communauté nationale, de partage d’une même nationalité. Comment « faire France » au XXIe siècle et répondre au « mal-vivre ensemble » ? Comment créer ce « plébiscite de tous les jours » cher à Renan ? A l'exception de quelques propositions relatives au service civique, aucune réponse n’est apportée.

Pourtant, ne faudrait-il pas rappeler l’importance de la maitrise de la langue, pour tous, et non seulement pour les personnes souhaitant être naturalisées ?Confier à des organismes privés l’évaluation de la maîtrise du français des personnes candidates à la naturalisation, comme le préconise le rapport, est-il souhaitable et à la hauteur des enjeux ? Alors que plus d’un jeune sur 10 échoue au test d’évaluation de la maîtrise de la langue française lors de la journée « défense et citoyenneté », la langue, ce « pilier de la nationalité » selon la formule de Patrick Weil, mérite attention et moyens.

Il en est de même quant à l’enseignement de l’Histoire. Proposer d’un côté la suppression de l’enseignement de l’Histoire en Terminale Scientifique et renoncer à celui-ci dans les filières professionnelles comme l’a fait l’actuel Gouvernement, et souhaiter, d’un autre, valoriser cette matière, semble pour le moins antagonique. L’Education nationale doit être au cœur des priorités d’une République qui souhaite donner à chacun la conscience de partager un patrimoine commun, une Histoire et des valeurs fondatrices : la liberté, l’égalité et la fraternité auxquelles il faut ajouter la laïcité. Cela ne peut être accompli en maltraitant les enseignants et en fermant des classes.

Bref, la lecture de ce rapport ne peut que décevoir. Décevoir ceux qui s’attendaient à une approche renouvelée du droit de la nationalité. Décevoir ceux qui pensaient que le législateur serait capable d’intégrer les mutations de la France du XXIe siècle. Décevoir ceux qui souhaitaient des solutions concrètes aux difficultés rencontrées sur le terrain. Décevoir ceux qui pensaient que les thèses basées sur le déclin de la France, la dangerosité de « l’étranger », de « l’ennemi de l’intérieur », avaient désormais moins de prise. Décevoir, enfin et surtout, ceux qui espéraient trouver des réponses à la question fondamentale du lien national, du sentiment d’appartenir à une même nation et de partager une même nationalité.

A la déception s’ajoute l’inquiétude de voir ainsi affirmés des principes contraires à notre idée de la République, égale vis-à-vis des siens et combattive envers toute forme de discrimination et de stigmatisation.

C’est pourquoi les membres du groupe socialiste, radical et citoyen ne peuvent que dénoncer les conclusions de ce rapport et appeler à une véritable politique du « vivre ensemble ».

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