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Albert Likuvalu

mardi 12 juillet 2011

Contribution des membres du groupe SRC au rapport de la mission sur le médiator et la pharmacovigilance

La création de cette mission parlementaire a été décidée à la demande de notre groupe, à la suite du scandale sanitaire provoqué par le maintien pendant plus de trente ans sur le marché d’un médicament dangereux : le Mediator. Cette affaire digne d’un roman policier a provoqué un séisme dans le monde de la santé. Les pouvoirs publics ont été forcés de réagir devant l’ampleur de la crise de confiance et pour prendre en charge les victimes. La justice est également saisie, le laboratoire Servier étant accusé de tromperie aggravée et mise en danger de la vie d’autrui.

La question « Mediator : combien de morts ? » titre du livre d'Irène Frachon, se pose inévitablement dès l’introduction de ce rapport car ce débat est revenu tout au long des auditions. Ce livre (qui relate à quel point il a été difficile pour ce médecin de donner l’alerte et d’arriver à obtenir le retrait de ce médicament du marché) a permis de prendre conscience de l’ampleur de la crise, relayé notamment par la presse, par la revue Prescrire et aussi le président de la mission Gérard Bapt, qui a obtenu que l’AFSSAPS demande une étude de mortalité à la CNAMTS.

On estime que ce médicament a fait entre 500 et 2000 morts, 5 millions de personnes l’ont pris. Il faut donc comprendre comment on a pu en arriver là. De cette histoire terrible, les politiques, les autorités sanitaires doivent tirer les leçons, toute la durée de vie d’un médicament doit pouvoir être mieux surveillée car la confiance dans le système de santé dans son ensemble est remise en cause.

Un récent sondage TNS-SOFFRES a témoigné de cette perte de confiance de la part de la population, puisque seulement à peine 2% des personnes interrogées ont déclaré faire confiance aux autorités sanitaires…

Le maintien du Mediator aussi longtemps sur le marché a démontré que les pratiques commerciales des laboratoires entrainaient des dysfonctionnements dans la sécurité sanitaire et que l’intérêt public n’a pas primé dans le fonctionnement d’un système puisque les alertes nombreuses sont restées sans réponse.

En matière d’alerte sur ces risques, un premier travail parlementaire important a été effectué dans le cadre de la MECSS : le rapport de Catherine Lemorton rendu public en 2008, qui contenait plus de 90 propositions, avait alerté sur la nécessité de réformer « la prescription, la consommation et la fiscalité des médicaments ». Depuis, des amendements importants pour la réforme du système et issus de ces propositions ont été déposés mais toujours rejetés par la majorité.

L’objet de cette mission n’était pas de refaire l’enquête de l’IGAS réalisée entre le 29 novembre 2010 et le 15janvier 2011 qui a reconstitué précisément la chaine des événements et des décisions intervenues entre l’autorisation de mise sur le marché du médicament en 1974 et son retrait en novembre 2009 suite à la décision de la commission d’AMM. Ses constats sont implacables concernant la volonté délibéré du laboratoire Servier de cacher la réalité pharmacologique de ce médicament qui s’est révélé un puissant anorexigène, et à quel point les agences sanitaires ont été « roulées dans la farine » selon les propres termes des inspecteurs de l’IGAS.

Une deuxième enquête se termine sur la question de la réforme des agences, et de son côté le Ministre de la santé a organisé des assises du médicament au terme desquelles il présentera une proposition de réforme.

Néanmoins une mission parlementaire était nécessaire pour analyser les défaillances du système et proposer des modifications, afin de s’assure qu’il n’y aura plus jamais aucun autre drame de l’ampleur du Mediator.

Le groupe SRC a contribué activement aux travaux de la mission, d’autant plus que le président de la mission a été l’un des premiers à tirer la sonnette d’alarme à la suite du livre d’Irène Frachon et des nombreuses alertes diffusés par la revue Prescrire, publication indépendante en matière d’information médicale. Le rapporteur a accepté d’intégrer certaines demandes modification des députés SRC, notamment la nécessité de mettre en place un véritable mécanisme d’action de groupe qui permettrait aux associations de victimes d’ester en justice de manière plus efficace, car les malades sont bien souvent très démunis et affaiblis, il leur est donc très difficile d’affronter la puissance d’une firme pharmaceutique.

Mais nous avons souhaité faire une contribution car ce rapport n’est pas satisfaisant : certaines propositions sont intéressantes mais très insuffisantes et quelques unes figuraient déjà dans le rapport de la MECSS. Certaines sont très contestables, par exemple la proposition 48 confond l’éducation thérapeutique et l’information grand public en prenant l’exemple des antibiotiques, la proposition 50 met sur le même plan les abus et les trafics de médicaments alors que le problème des médicaments falsifiés n’est même pas évoqué.

Les travaux de la mission ont montré à quel point la sécurité sanitaire est un maillon déterminant dans le bon fonctionnement de tout le système de santé, les professionnels de ce secteur exercent un métier difficile avec de lourdes responsabilités. Ces difficultés proviennent en partie du fonctionnement des agences actuelles qui est proche d’un stade « artisanal » comparé à celui des industries du médicament, particulièrement en matière de promotion de leurs produits. Il convient donc de prendre des mesures fortes pour faire passer ces agences et la sécurité sanitaire au niveau des exigences de santé publique que les citoyens de notre pays sont en droit d’attendre au 21e siècle.

La réalité pharmacologique du Médiator a été masquée par les pratiques du laboratoire Servier

S’il ne s’agissait pas pour la mission de refaire les travaux de l’IGAS, on peut souligner cependant que le rapport de la mission ne s’appuie pas suffisamment sur ses conclusions pourtant claires et étayées pour dénoncer en premier lieu les pratiques du laboratoire Servier, qui a masqué la réalité pharmacologique du Mediator. Il n’est pas acceptable pour les membres SRC de la mission de se contenter de renvoyer sur la justice comme le fait le rapporteur, le politique doit tirer les leçons de se qui s’est passé, au moment où Lucy Vincent, directrice de la communication de Servier siège encore au conseil d’analyse sociétale auprès du Premier ministre.

Etablir le nombre de morts a été une question récurrente tout le long des travaux mais au-delà du comptage, c’est bien la dangerosité de ce médicament qui pose question : Ce médicament dont la molécule appelée Benfluorex est un puissant anorexigène, responsable d’une maladie mortelle, il a été prescrit à 5 millions de personnes, dont la moitié l’ont pris pendant 3 ans.

Les réserves émises par le rapport minimisent le rôle du laboratoire : les propositions qui sont nombreuses ne prennent pas la mesure des pratiques inacceptables de l’industrie pharmaceutique pour maintenir un médicament sur le marché. La question de la prise en compte tardive des alertes à cause de ces pratiques et la prégnance dans tout le système des conflits d’intérêts nécessite de prendre rapidement des mesures bien plus fortes que celles préconisées dans le rapport pour que le changement qui s’est engagé ne soit pas stoppé en chemin.

Comment ne pas rappeler les propos échangés entre le Président de la république et Jacques Servier lors de sa décoration de la légion d’honneur en 2009, ce dernier se plaignant des contrôles excessifs et des normes auxquelles les laboratoires devaient se « plier » freinant ainsi leur développement…

Les faiblesses incompréhensibles du système de pharmacovigilance

Le rapport tend à présenter les faiblesses désormais médiatisées du système de pharmacovigilance comme si elles avaient été révélées par l’affaire du Mediator.
Il est vrai que l’on a pu voir au fil des auditions à quel point le laboratoire Servier a constamment œuvré pour freiner toute réévaluation de la balance bénéfices/risques du Mediator.

Pourtant ces faiblesses du système étaient connues depuis les rapports d’audits externes de l’IGAS, de la Cour des comptes, du rapport Girard. Le rapport de la MECSS en 2008 s’appuyait sur celui de la Cour des comptes qui était édifiant sur les failles du système :

L’éclatement et le cloisonnement entre les différents acteurs publics de la chaine du médicament, un système de commissions paralysées par le nombre de dossiers et des circuits de décisions ralentis par des demandes répétées de nouvelles études, tout cela aurait pu être corrigé mais cela n’a pas été une priorité des politiques menées. L’absence de prise de conscience de la gravité des ces dysfonctionnements explique pourquoi les ministres n’ont jamais eu l’information d’un risque sanitaire pour le Mediator avant la décision de suspension en 2009.

Si l’on doit améliorer l’information des politiques, la proposition 14 de réunions régulières des responsables d’agences, des commissions, de la CNAM et du Ministère va dans le bon sens. Mais la 16 n’est pas acceptable car elle propose de donner au Ministre la possibilité de maintenir le remboursement d’un médicament avec un service médical rendu insuffisant.

D’autre part il convient de bien différencier la politique en matière prix et la question de la balance bénéfices/risques d’un médicament, contrairement au rapporteur nous pensons que si l’outil du « déremboursement » peut influer sur la consommation et la prescription, lorsque cette balance est négative il faut retirer le médicament et non le dérembourser. Pour cela il faut agir au niveau Européen car en l’état actuel de la législation si l’on ne peut pas par exemple retirer l’AMM d’un médicament autorisé au niveau européen, on peut la suspendre comme dans le cas du Mediator en attendant la décision de retrait au niveau européen.

D’autres préconisations du rapport en la matière doivent être suivies d’effets rapidement, d’autant plus que certaines ont déjà été formulées comme le fait d’obliger les laboratoires d’informer les autorités sanitaires françaises lorsqu’il retire un produit en France de sa propre initiative.

Il faut des moyens et une réelle volonté politique pour mieux lutter contre les conflits d’intérêts et aller plus loin qu’une simple amélioration de la transparence

Sur ce point les propositions du rapport sont largement insuffisantes que ce soit pour garantir l’indépendance des experts mais aussi des professionnels de santé.
Nous rappelons que notre groupe a déposé plusieurs fois des amendements pour mieux lutter contre les conflits d’intérêts dans le domaine de la santé, nous avions même proposé un amendement à la loi HPST pour établir un « sunshine act » à la française, Mme Bachelot, Ministre de la santé de l’époque n’en a pas voulu.

On ne peut se contenter de laisser les ordres professionnels gérer les déclarations de conflits d’intérêts, même en les mettant à disposition du public.
La déclaration des ces conflits d’intérêts doit devenir la règle également pour les ministères et les agences.

Il faut créer une instance indépendante pour gérer les déclarations et diminuer les conflits d’intérêts, c’est un point essentiel si on ne veut plus une autre affaire Mediator, le rapporteur propose la mise en place d’une cellule déontologique, il faut là aussi aller bien plus loin.

Il convient aussi de prévoir des sanctions pénales en cas de non déclaration des conflits d’intérêts, le groupe SRC l’a proposé dans le cadre d’un amendement à la Proposition de loi Fourcade.

• Garantir les conditions de la mise sur le marché et de l’évaluation régulière des médicaments

Les propositions concernant le système d’autorisation de mise sur le marché comportent des propositions en matière de réévaluation qui doivent être renforcé si l’on veut avoir un système suffisamment réactif au moindre signal, et indépendant.

Dès l’autorisation de mise sur le marché il convient de prévoir la prise en compte d’études qui ne soient pas uniquement issues des laboratoires, et prendre en ligne de compte la classification pharmacologique, ce qui a manqué dans le cas du Mediator.

Prescriptions hors AMM : obliger et non encourager les laboratoires à demander une extension d’indications

La question des prescriptions hors AMM a fait l’objet de nombreux débats puisque le Mediator a été prescrit de manière extensive pour perdre du poids dans le cadre de régimes sans aucun lien avec le diabète. Il convient de tout faire pour que cela ne se reproduise plus et que les prescriptions hors AMM soient mieux réglementées. Les interdire ne semblent pas la bonne solution car parfois on découvre une nouvelle indication thérapeutique d’un médicament, en dehors des indications initiales de prescription.

Les médecins : leur formation initiale et continue doit être indépendante des laboratoires, ils doivent être un maillon efficace dans le signalement des alertes

La question la formation et de l’information des médecins est primordiale, elle est en partie lié avec le problème des conflits d’intérêts, c’est malheureusement devenu une formule incantatoire qui n’est toujours pas suivie d’effets.

Nos concitoyens avec le scandale du Mediator, ont pu mesurer la faiblesse de l’information des médecins en matière de médicament : seules quelques revues comme Prescrire sont indépendantes et ne vivent pas grâce à la publicité des laboratoires…

Faut-il rappeler notre demande réitérée de promouvoir et d’améliorer la base thériaque, seule source indépendante d’information en matière de médicaments.

La réforme de la formation continue devient urgente, et la question de son financement doit être posé clairement, si l’on veut garantir l’indépendance il faut réfléchir à un financement public.

Les médecins de premier recours participent en réseau à la surveillance des médicaments au système d’alerte en lien direct avec les centres régionaux de pharmacovigilance, avec une procédure simple adaptée à leur pratique.

Les visiteurs médicaux sont chargés de la promotion des médicaments par les laboratoires, et même avec la charte déontologique, on ne doit pas compter sur eux pour diffuser une information objective, celle-ci doit être faite pas les Délégués de l’Assurance Maladie dont il faudrait valoriser et renforcer les missions auprès des médecins.

Ce point pourtant essentiel nous amène à déplorer la proposition du rapporteur qui préconise une meilleure formation de ces visiteurs médicaux, dont les postes sont d’ailleurs réduits de plus en plus par les laboratoires. Il y a un exemple récent, celui du laboratoire Takeda qui a mis en place une prime d’intéressement pour ses commerciaux après l’annonce du retrait du marché de l’Avandia afin de promouvoir l’antidiabétique Actos, alors que celui-ci faisait l’objet d’une réévaluation des risques de cancer de la vessie…

En conclusion il est urgent de réformer le système de sécurité sanitaire pour garantir à la population qu’il n’y aura plus d’affaire Mediator à l’avenir.

La France s’est longtemps félicité d’avoir une industrie du médicament importante, si personne ne conteste cette importance, il faut bien distinguer les enjeux économiques des enjeux de santé publique. Il convient à la lumière des leçons à tirer du Mediator, de remettre chacun à sa place et d’assurer la transparence des décisions, l’indépendance des experts, la formation des professionnels de santé, chacun doit prendre sa part de responsabilité. Tout médicament a une balance bénéfices/risques : le tout étant de l’accepter en connaissance de cause, dans la transparence et uniquement s’il en vaut la peine pour guérir les malades. On ne pourra pas prévenir tous les risques, il convient donc d’envisager sérieusement la prise en charge de l’indemnisation des victimes des effets indésirables de tous les médicaments, à l’instar du dispositif mis en place pour les victimes du Mediator, ce sera un point essentiel si l’on veut restaurer la confiance.

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