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Albert Likuvalu

mardi 4 janvier 2011

35 heures: le temps de travail en... Allemagne

Pierre-Alain Muet, député PS de Lyon, ancien président délégué du Conseil d'analyse économique, répond à Manuel Valls, pour qui il faut désormais «déverrouiller les 35 heures». Et rappelle que la durée hebdomadaire du travail est plus élevée en France (38 h) qu'en Allemagne (35,7 h).

En ces temps où la droite ne jure que par l'exemple allemand, et où certains à gauche cherchent l'originalité en reprenant la critique sarkozyste des 35 heures, il n'est pas inutile des rappeler les faits. La durée hebdomadaire moyenne du travail a toujours été plus élevée en France qu'en Allemagne et dans les pays européens plus développés. En 2009, dernière année disponible dans les statistiques de l'OCDE (1), la durée hebdomadaire moyenne du travail de l'ensemble des actifs s'élevait à 38 heures dans notre pays, nettement supérieure à celle de nos voisins, Allemands (35,7 h), Suédois (36,3 h), Britanniques (36,6 h), Suisses (35,1 h), Norvégiens (33,9 h), Danois (33,7 h), et a fortiori Hollandais qui, champions du temps partiel choisi, ont une durée hebdomadaire moyenne de 30,6 heures.

Et même lorsqu'on prend en compte les congés annuels, censés être beaucoup plus élevés chez nous qu'ailleurs, le Français travaille toujours plus que l'Allemand : 1550 heures en moyenne en 2009 contre 1390 de l'autre côté du Rhin. Les 35 heures des années 2000-2002 n'ont fait en leur temps que rapprocher la France de l'Allemagne. Ce sont en effet les seules années où les durées du travail ont été voisines en France et en Allemagne (36,5 heures en moyenne dans les deux pays en 2001-2002). La durée du travail a continué à diminuer en Allemagne après 2002, alors qu'elle augmentait à nouveau en France.

Il est vrai que le maintien de l'arme de destruction massive de l'emploi qu'est la politique de subvention aux heures supplémentaires en pleine explosion du chômage restera un cas d'école pour l'enseignement des décisions absurdes de politique économique. Favoriser la réduction du temps de travail ou au contraire les heures supplémentaires n'est pas une question idéologique, mais une question de situation conjoncturelle. Quand une économie est au plein emploi avec des fortes pénuries de main-d'œuvre, comme l'était la France dans les années 50, le recours aux heures supplémentaires est évidemment pertinent. Dans une situation de chômage massif comme c'était le cas dans les années qui ont précédé la mise en oeuvre des 35 heures ou à nouveau aujourd'hui, c'est naturellement la réduction du temps de travail la solution adéquate.

L'Allemagne, qui aborde avec pragmatisme la question du temps de travail, a massivement réduit le temps de travail et stimulé très fortement le chômage partiel - dont la dénomination pertinente est le terme allemand Kurzarbeit (travail réduit). La France, au contraire, s'est payé le luxe, dans cette crise, de subventionner à la fois les heures supplémentaires en même temps qu'elle subventionnait (un peu) son contraire: le chômage partiel ! Résultat: nos deux pays, qui avaient exactement le même taux de chômage à l'été 2008 (7,5 %), ont divergé, notre chômage a explosé (9,8 % fin 2010), alors que l'Allemagne, pourtant plus touchée que la France par la crise en raison de son ouverture aux échanges internationaux, a réussi à réduire le sien (6,7 %). Et comme les salariés sont restés liés à l'entreprise au lieu de se retrouver au chômage, l'Allemagne a pu, en 2010, retrouver une croissance forte.

Mais le débat récurrent sur les 35 heures montre que le thème du « travailler plus pour gagner plus » sur lequel Sarkozy a construit sa campagne était une totale mystification.

Outre que la durée du travail a toujours été plus élevée dans notre pays que chez nos principaux partenaires, toutes les affirmations proférées à longueur de discours sur ce thème par Nicolas Sarkozy sont des contre-vérités.

«Les pays qui ont le plus réduit le chômage sont ceux qui ont augmenté le temps de travail», disait encore le président en juillet. C'est exactement l'inverse. Les pays qui ont le plus réduit leur temps de travail sont ceux qui ont le taux de chômage le plus faible : les Pays-Bas (4,4 %), la Norvège (3,5 %), l'Allemagne (6,7 %), le Danemark et la Suède (7,8 %), alors que le taux de chômage harmonisé est de 9,8 % en France (2).

«Les 35 heures ont détruit la compétitivité.» Elle s'est au contraire améliorée de 1997 à 2002. Pendant toutes ces années la France avait un excédent extérieur compris entre 20 et 30 milliards d'euros. Depuis 2003, le solde extérieur n'a cessé de fondre, pour se transformer en un déficit croissant à partir de 2005, atteignant plus de 40 milliards en 2009.

«Les 35 heures n'ont pas créé d'emplois et ont nui à la croissance.» Toutes les études concluent à un impact des 35 heures compris entre 300.000 et 400.000 emplois. Pendant toute cette période (de 1997 à 2002), la croissance française a été très supérieure à la croissance européenne, et 2 millions d'emplois ont été créés (un record pour une économie qui, en un siècle, de 1896 à 1997, n'avait créé que 3 millions d'emplois). C'est aussi la seule période depuis vingt-cinq ans où notre pays a réduit fortement ses déficits, diminué sa dette et engrangé des excédents extérieurs record. Dans tous ces domaines, c'est l'inverse qui s'est produit depuis 2002 et plus encore depuis 2007.

Mais ce discours sur le «travailler plus» est aussi une erreur historique car toute l'histoire du développement économique depuis la révolution industrielle est une augmentation continue de la productivité du travail conjuguée à une baisse tout aussi continue de la durée annuelle du travail. On produit en une heure de travail 20 fois plus qu'en 1870 et on travaille 2 fois moins longtemps. Ce qui caractérise le développement économique dans tous les pays, c'est en effet le temps libéré et le développement des loisirs et du secteur non marchand. La dispersion des durées hebdomadaires du travail en Europe l'atteste : c'est dans les pays les plus développés que la durée hebdomadaire du travail est la plus faible et dans les moins développés qu'elle est la plus longue (plus de 40 heures dans l'Est de l'Europe et plus de 50 heures en Turquie).

Il est temps de sortir de ce débat idéologique pour engager une vraie réflexion sur l'organisation des différents temps de la vie. La tendance séculaire à la réduction de la durée annuelle du travail est appelée à se poursuivre. Et la vraie question dans notre pays n'est pas la durée hebdomadaire du travail mais la répartition du travail entre ceux qui ont un emploi et ceux qui en sont exclus, ainsi que sa répartition au cours du cycle de vie. Le travail est concentré dans notre pays entre 25 et 55 ans, alors que l'augmentation de la durée de vie appellerait une interpénétration plus forte des différents temps de la vie et non comme aujourd'hui leur succession brutale.

Plutôt que de perpétuer le débat idéologique qui a ponctué toutes les avancées sur la réduction du temps de travail depuis la loi de 1841 limitant le travail des enfants, il serait préférable de donner toute sa place à la négociation sociale. Car c'est elle qui permettra d'avancer réellement vers le temps choisi et de résoudre, par exemple, cette particularité française qu'une part importante des salariés à temps partiel le sont contre leur gré, alors qu'un nombre aussi élevé de salariés à temps plein souhaiteraient travailler à temps partiel choisi.

(1) On trouvera les statistiques correspondantes dans les publications de l'OCDE :
http://stats.oecd.org/Index.aspx?DatasetCode=ANHRS (durée annuelle, et sur la page suivante, durée hebdomadaire)
(2) Taux de chômage harmonisés :
http://epp.eurostat.ec.europa.eu/tgm/table.do?tab=table&plugin=1&language=fr&pcode=teilm020

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